Quel retour sur investissement pour les OKR ?

Auteur : Ben Lamorte

À partir d’une étude chiffrée réalisée chez Sears

De plus en plus de personnes adoptent les OKR (objectifs et les résultats clés) dans les organisations. Cependant, il n’existe pas encore de travaux de recherche montrant que l'utilisation des OKR a un impact sur les résultats financiers. Quel est vraiment le retour sur investissement des OKR ? 

Les auteurs de cette recherche

Chris Mason a obtenu son doctorat en psychologie industrielle et organisationnelle à l'université DePaul. Il est directeur principal des solutions stratégiques en matière de talents chez Sears Holding Company (SHC). 

À l'automne 2013, Chris Mason et son équipe ont mené l'un des plus grands déploiements d'OKR connus à ce jour. Sears a déployé les OKR à l'ensemble de sa population salariée, environ 20 000 collaborateurs. 

Cette recherche, basée sur l'utilisation des OKR sur une période de 18 mois chez Sears, démontre que les OKR peuvent avoir un impact majeur. 

Joe Kutter est le chercheur principal qui a analysé les données. Même une utilisation minimale des OKR conduit à des niveaux de performance plus élevés. Plus précisément, nous avons constaté dans un centre d'appels une augmentation de 8,5 % du volume de ventes par tranche horaire. L'utilisation systématique des OKR augmente de 11,5% la probabilité de passer à un niveau de performance supérieur pour l'ensemble des collaborateurs de l’entreprise. Il s'agit vraisemblablement des premières expériences concluant à un impact de l'utilisation des OKR. Cet impact concerne aussi bien les performances individuelles que les résultats de l'organisation. 

À cette occasion, j’ai parlé avec Chris Mason et son équipe. Il m'a raconté ce qui leur était arrivé, ce qui a conforté mon choix de profession en tant que coach OKR. Il s'agit sans doute de la première démonstration que les OKR ont un impact sur les résultats financiers d’une entreprise ! 

De quelle manière les OKR ont-ils augmenté le chiffre d'affaires de 8,5% ? 

Voici un résumé de notre discussion. 

Lamorte : Je n'ai pas encore trouvé d’étude formelle traitant de comment les OKR améliorent les résultats d'une organisation. Avez-vous déjà vu une étude sur ce sujet ? 

Mason : À ma connaissance, il n'existe aucune recherche qui démontre dans quelle mesure l'utilisation des OKR améliore réellement le chiffre d'affaires d'une entreprise. Evidemment, durant des décennies, la recherche en sciences comportementales, comme les travaux de Locke et Latham qui ont développé la théorie de la définition des objectifs (Goal Setting Theory), suggère que fixer des objectifs à plus court terme, donner plus d'autonomie aux gens pour qu'ils s'engagent à atteindre les objectifs, et que ceux-ci soient ambitieux, conduit à de meilleurs résultats. Si l’on se base sur cette recherche générale, nous pourrions supposer que les OKR sont efficaces. Cependant, je n'ai vu aucune recherche qui prouve que les OKR sont efficaces en tant que méthodologie spécifique. 

Lamorte : Étant donné que vous n'aviez connaissance d'aucune analyse formelle prouvant l'efficacité des OKR, pourquoi avez-vous déployé les OKR ? Et pourquoi avez-vous pris la peine de développer un outil logiciel interne à l’entreprise pour surveiller et suivre vos OKR ? 

Mason : En fait, nous avons été encouragés à déployer les OKR suite à la vidéo de Google Ventures en 2013. Notre PDG, Eddie Lampert, a partagé cette vidéo avec le comité de direction de Sears. Cette vidéo ainsi que le leadership avéré de notre PDG sont à l’origine des OKR chez Sears. Plus récemment, des membres de notre direction RH ont parlé de leur approche avec Google. Bien que je n'aie pas tous les détails, je crois savoir qu'ils n'ont pas mené de recherche formelle sur l'efficacité des OKR. Le livre How Google Works encourage le déploiement des OKR ; une invitation qui présente simplement les OKR comme une méthode logique qui correspond à leur culture.  

Lamorte : Pouvez-vous décrire le procédé que vous avez mis en place pour les recherches sur l'efficacité des OKR ? 

Mason : Après avoir utilisé les OKR pendant plus d'un an, nous avons commencé à analyser les données. Les résultats préliminaires indiquaient que l'utilisation des OKR avait effectivement un impact positif. Nous avons mené deux études jusqu'à présent. La première a eu lieu fortuitement, ce qui en constitué un excellent modèle expérimental, comprenant des mesures avant et après l’étude sur un groupe témoin. 

Nos centres d'appels sortants sont structurés en équipes de téléconseillers répartis sur différents sites. Ils se concentrent sur les ventes additionnelles, mesurées à partir de critères tels que le nombre d'appels par heure et le total des ventes par heure. Les OKR ont été officiellement déployés auprès des collaborateurs salariés de ces centres, sauf pour les téléconseillers (bien que tous aient eu accès au système qui héberge les OKR). 

Pour des raisons qui ne sont pas tout à fait claires, seule une partie des téléconseillers a choisi de participer. Il est très intéressant de constater que les agents qui ont fait le choix de participer étaient répartis sur plusieurs sites. Ils ont commencé à utiliser les OKR à partir de différents mois, ce qui permet de contrôler les effets de la localisation ou de la saisonnalité sur nos données. Nous avons commencé à utiliser les OKR en 2013. Au cours de l'année et demie qui a suivi, les salariés ont adopté les OKR au fur et à mesure. 

Lamorte : Comment avez-vous comparé, dans la durée, les performances de chaque groupe d'agents commerciaux ? 

Mason : Nous sommes remontés à la première fois où ils ont commencé à utiliser les OKR. Nous avons ensuite comparé leur performance de vente du mois précédent celui où ils ont utilisé les OKR avec celle du mois où ils ont commencé à utiliser les OKR et également avec le premier mois qui a suivi la première utilisation des OKR. 

Lamorte : Pouvez-vous me résumer les résultats ?

Mason : Oui. Pour le groupe qui a utilisé les OKR, nous avons constaté une augmentation de leurs ventes moyennes par heure, qui sont passées de 14,44$ à 15,67$. Cela se traduit par une augmentation moyenne de 8,5%. 

Cette augmentation est non seulement significative sur le plan statistique, mais aussi sur le plan pratique. Nous avons par ailleurs constaté une augmentation similaire pour le nombre d'appels passés par heure, ce qui contribue à expliquer l'augmentation des revenus. 

Plus important encore, le groupe de référence qui n'a pas utilisé les OKR a réalisé à peu près le même nombre de ventes chaque mois. En d'autres termes, le groupe qui n'a pas utilisé les OKR, n’a pas enregistré d'augmentation. 

Lamorte : Le résultat de 8,5% tient-il compte de la possibilité que les agents qui ont décidé d'utiliser les OKR soient probablement les plus performants ? 

Mason : Oui, en fait, nous avons contrôlé cet aspect. 

Il s’avère que les agents qui ont choisi de participer ne se sont pas améliorés simplement parce qu'ils étaient très performants. Les agents se sont améliorés par rapport à leurs propres performances. Peu importe qui ils sont et la date à laquelle ils ont commencé. Tous les agents qui ont utilisé les OKR ont enregistré une augmentation moyenne de 8,5% de leur propre performance de vente, par rapport à leur taux habituel avant de commencer à utiliser les OKR.

Comment l'utilisation cohérente des OKR a favorisé la performance 

Lamorte : Cela pourrait avoir des implications majeures sur le fait d’arriver à plus de ventes à partir de centres d'appels. Cependant, ce n'est qu'un parmi de nombreux groupes d'employés qui utilisent les OKR. Avez-vous des données qui indiquent que les OKR peuvent aider les collaborateurs qui ne sont pas dans des rôles de vente à être plus efficaces ?

Mason : Oui, nous avons ensuite examiné la population de l’entreprise au sens large. La taille de l'échantillon est d'environ 12 000 collaborateurs dans des dizaines de secteurs d’activités. Cette étude est particulièrement intéressante parce que nous avons également été en mesure d’étudier une période plus longue. Nous avons pu voir à quelle fréquence les gens ont utilisé les OKR entre la fin de l'été 2013 et l'été 2014. 

Lamorte : Étant donné que votre vision va au-delà de l’équipe de vente, vous ne pouvez pas simplement prendre en compte le chiffre d'affaires généré par vendeur comme résultat à comparer. Quelle variable avez-vous utilisée pour mesurer l'impact général des OKR sur l'efficacité ?

Mason : Nous avons utilisé comme variable le niveau de performance général. Nous utilisons un outil classique à 9 cases pour classer cette population sur une base annuelle à partir de deux dimensions : la performance et le potentiel. 

Pour cette étude, nous n'avons examiné que la performance. Nous avons classé la population dans les catégories suivantes : haute performance (les 20% au sommet de l'échelle), performance moyenne (les 70-75% au milieu de l’échelle) ou performance faible (les 5-10% du bas de l'échelle); et cela à l'été 2013, puis un an plus tard, à l'été 2014. 

Il est difficile de passer d'une performance moyenne à une performance élevée. Mais si vous y parvenez, vous êtes davantage susceptibles de bénéficier d'une compensation positive, tels qu’un bonus ou une promotion. 

Nous avons ensuite classé les collaborateurs en trois groupes, en fonction de leur utilisation des OKR : 

  1. Utilisation constante : il a suivi au moins un OKR de manière systématique au cours des quatre trimestres de l'année, 
  2. Utilisation irrégulière : il a utilisé les OKR au moins une fois dans l'année, mais n'a pas réussi à s’en servir chaque trimestre, et 
  3. Aucune utilisation des OKR au cours de l'année.

Lamorte : Alors, l'utilisation des OKR a-t-elle eu un impact sur la probabilité pour un collaborateur donné d'être classé à un niveau de performance supérieur ? 

Mason : Oui, et les résultats sont très intéressants. 

  • Groupe 3 - Aucune utilisation des OKR n'a montré aucun changement dans le niveau de performance.
  • Groupe 2 - Utilisation irrégulière des OKR a montré une certaine amélioration. 

Le fait d'utiliser les OKR une seule fois a augmenté de 3% la probabilité de passer à un niveau de performance supérieur. Dans ce groupe, nous n'avons même pas tenu compte de la qualité des OKR et malgré tout, nous avons constaté un impact statistiquement significatif, bien que faible.

  • Groupe 1 - L’utilisation constante des OKR montre une probabilité de 11,5%  d’atteindre une tranche de performance supérieure.

Lamorte : D’accord, alors quelle est la conclusion finale ? Pouvons-nous maintenant dire que cette recherche confirme l'efficacité des OKR ? 

Mason : Nous ne disons pas que nous avons la preuve définitive prouvant que les OKR fonctionnent pour tout le monde. Cependant, cette seconde étude peut avoir des implications importantes. 

Ce résultat  pourrait à peu près se traduire par : 

"Si vous connaissiez l'existence d’un outil dont l'utilisation ne requiert que quelques heures annuellement et qui vous permet d’augmenter de 11,5% votre capacité d’atteindre une performance élevée, ne souhaiteriez-vous pas a minima l’essayer ?”

Conclusion - Le retour sur investissement des OKR

Sears Holding Company a mené des recherches sur l'utilisation des OKR auprès de 20 000 collaborateurs au cours d’une période de 18 mois. L’entreprise a constaté que même une utilisation minimale des OKR entraînait des niveaux de performance plus élevés. Les résultats montrent une augmentation de 8,5% des ventes horaires dans un centre d'appels et jusqu'à 11,5% d'augmentation de la capacité à atteindre des performances élevées pour l'ensemble des employés de l'entreprise. 

Il s'agit vraisemblablement des premières expériences qui concluent que l'utilisation des OKR a un impact. Cet impact semble se situer au niveau des performances individuelles ainsi qu'au niveau des résultats de l’entreprise dans son ensemble. 

PS : Si vous avez connaissance d’autres recherches sur l'efficacité des OKR ou de toute autre approche spécifique liée à la gestion des objectifs d’entreprise, n’hésitez pas à contacter In Excelsis.  Nous nous ferons un plaisir de publier vos résultats.


Publié en français avec l’aimable autorisation de Ben Lamorte.
L’article original est également accessible en anglais.

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